La Lumière enfin

Des crissements suivis de bruits sourds, la neige se tassait sous chacun de ses pas. Esquissant un sourire, il observait ses orteils se perdre dans l’étendue blanche. Le Myst s’était décidément bien éloigné de ses souterrains, les stalactites avaient laissé place aux nuages et les gémissements des rongeurs au mélodieux chant des oiseaux. La Lumière, oui il ne faisait aucun doute que ces terres étaient sous la protection de Thjä, comment seraient-elles si belles sinon ? Le sol humide s’était changé en hautes herbes et voilà que désormais le Myst parcourait les étendues glacées du pays des Elfes. De délicieux tressaillements lui parcouraient l’échine, c’était donc ça le froid. Nahro n’avait pu résister à se jeter dans la poudreuse, et c’était grelotant qu’il avait repris sa route vers le repaire des êtres aux tuniques vertes et aux cheveux d’argent, du moins c’était le portrait que se dressait le Myst après avoir rencontré deux des leurs.

Le ton de sa peau s’était adouci au contact de la brise légère qui parcourait désormais les plaines. Le vent, encore un phénomène admirable. Nahro souriait, ce souffle ne pouvait être que le sien, Elle l’accompagnait enfin et le portait vers la demeure des Elfes. Si dans les cavernes, il avait peiné à la trouver, ici dans la vallée il la sentait auprès de lui et l’écoutait attentivement lorsqu’elle venait lui murmurer ses si jolies mélopées. Thjä.. Il ne pouvait en douter désormais son retour à la vie n’était pas le fruit du hasard, à moins que le hasard se nomme Thjä. Le Myst s’avançait d'un pas serein, certain qu'il devait se rendre auprès des Elfes, les palissades de bois annonçaient déjà son arrivée prochaine. Comment s’y prendrait-il ? Il ne le savait encore, mais il souriait déjà, persuadé que sa déesse viendrait lui susurrer quelques conseils avisés. C’est ainsi qu’un Myst, que certain aurait pu croire téméraire, s’approchait de l’entrée de la ville native du joli peuple.

Époussetant son chapeau qui s’était teinté de blanc, il tendit l’oreille, enthousiasmé à l’idée d’entendre de nouveau l’idiome elfe. Fronçant les sourcils, il s’hasarda à faire quelques pas de plus, mais seul le silence répondait aux crissements de la neige sous ses pieds bleutés.
Nahro, je suis Nahro. Peuple de Lumière, je viens à vous en ce jour.

Peut-être avais-il commis une maladresse. Fronçant le front, le Myst perplexe doutait dés à présent, s'était-il fourvoyé en venant chez les Elfes? Tendant l'oreille, il s'efforçait d'écouter les murmures de sa déesse, mais la brise n'était plus. Le souffle de Thjä n'agitait plus les pinèdes. Seul, le Myst était désormais seul, pauvre créature face aux remparts de la cité des Elfes. Égaré.

Détournant son regard vers la trace de ses pas qui étaient recouverts peu à peu par les flocons, il marmonna. Ne valait-il pas mieux retourner dans les souterrains? La Lumière après tout ne semblait pas l'accepter. Les Myst n'étaient-ils faits que pour vivre dans l'obscurité et subir les attaques sournoises du Fléau? Sans doute, oui. Résigné Nahro rebroussait déjà chemin, la neige crissait de nouveau sous ses pas cependant une odeur familière le retint. Son visage s'éclaira d'un mince sourire et son corps s'immobilisa. On approchait.
Bienvenue Nahro, mon ami. Entre, tu es le bienvenue.

Mes salutations Helevorn. Ton pays est magnifique, permettrais-tu que je restes quelques temps?
Se retournant vers son ami, son sourire s'élargit enfin. Il tenta quelques pas vers l'elfe tout en fouillant sa besace, arrivé aux côtés d'Helevorn il lui tendit une main tremblante. Les doigts s'ouvrirent laissant apparaître une roche carmin, répondant au regard curieux de son ami, il s'empressa de prendre la parole. Je ne saurais te dire comment ceci s'appelle mais je te le donne si tu l'acceptes bien sûr. Sans doute cette pierre n'était que peu précieuse mais le Myst n'avait pu s'empêcher de s'en saisir lorsque son corps pour la première fois, de cette vie en tout cas, s'était baigné de lumière. Un souvenir en somme, mais pas des moindres. Ses yeux s'étant précédemment abaissés sur la roche, ils fixaient désormais l'elfe.
Ai-je effrayé les tiens?

Un frisson parcourut l'échine du Myst, braquant son regard dans celui de l'Elfe, ses traits se figèrent. Helevorn en saisissant la roche avait effleuré Nahro, ce n'était pas la première fois mais pourtant le Myst avait senti en sa chair une brûlure cuisante.

Ne s'attardant pas davantage sur cette sensation étrange, Nahro reporta son regard vers les portes désormais entrouvertes de la cité des Elfes qui révélaient des bâtiments faits de bois. Voilà qui différaient bien des édifices de roches et de glaces des souterrains, œuvre d'un peuple qui déclinait irrémédiablement. Au chaud oui, la neige enveloppait désormais de son manteau blanc la plaine et Nahro n'étant que peu habitué à ces caprices de Dame Nature grelottait. Quelle idée saugrenue avait-il eu de se rouler tel un enfant dans la neige. Cependant la morsure du froid n'était rien comparé à l'inquiétude du Myst, comment les elfes réagiraient-ils à sa venue, il ne le savait, il avait en effet ouï dire que Jorg s'était lui aussi rendu en ces lieux. Il ne faisait aucun doute que si les Elfes s'en prenaient à lui, il le devrait à Jorg. Quel Myst excessif était Jorg. Après s'être mordillé nerveusement la lèvre inférieure, Nahro se contenta de hausser les épaules.

Flemmard dis-tu, je pense plutôt qu'ils ne sont pas aussi fous que moi pour se promener et cela quelque peu dévêtu dans cette tourmente ! La neige tourbillonnait désormais, et si les yeux des Mysts étaient habitués à l'obscurité ils ne l'étaient que bien moins dans une tempête. Seulement leur capacité à détecter la chaleur sauvait ici Nahro, il décelait en effet la vie dans les bâtiments de la cité.
Je te suis mon ami, s'empressa t'il de répondre à l'Elfe qui l'entraînait déjà dans la cité. Alors qu'il marchait, son regard furetait curieux d'entrevoir les compagnons de celui qui se tenait à ses côtés.
Alors que son regard s'attardait sur une fontaine particulièrement bien ouvragée, il interrogea Helevorn. Vénérez-vous une divinité? La question certes simple n'en restait pas moins essentielle.